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ton insouciant, ses occupations médicales et sa manière de traiter les malades.

Il eût été plus vrai de dire que, à l’exception de l’amour qu’elle portait à ses enfants, cette existence n’offrait plus rien de bon à Aurore, que chaque jour surgissaient de nouveaux motifs de tristesse, qu’à chaque heure sa vie devenait de plus en plus insupportable.

Casimir s’était mis à boire, et peu à peu, ce furent de véritables orgies à Nohant, auxquelles prirent part, outre Dudevant, Hippolyte et Stéphane Ajasson de Grandsagne[1], ancien ami et adorateur d’Aurore. Un des autres compagnons de la dive bouteille était Dutheil, homme excellent, mais, semble-t-il, sans caractère, grand ami de Casimir et d’Aurore.

Aurore supporta d’abord patiemment ces débauches. Elle dit dans l’Histoire de ma Vie (t. IV. p. 51-52) que toute cette compagnie, et particulièrement son frère, ressentaient instinctivement pour elle du respect et que, en sa présence, ils gardaient une certaine retenue en sorte que « tant que l’on se bornait à être radoteurs, fatigants, bruyants, malades même et forts dégoûtants, je tâchais de rire et je m’étais même habituée à supporter un ton de plaisanterie qui, dans le principe, m’avait révoltée ». Mais ces débauches se faisaient chaque jour avec moins de cérémonie, tout en se prolongeant plus longtemps, « les nerfs se mettaient de la partie », et les choses allèrent si loin qu’en présence d’Aurore on devint grossier et obscène. Hippolyte lui-même, qui auparavant se repentait de sa conduite et se montrait si soumis devant les remontrances d’Aurore, était devenu brutal et méchant, en sorte que la

  1. Voir plus haut ce qui a été dit de lui.