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En effet, à partir de la fin de 1821, nous remarquons que le désir inconscient et mutuel des deux époux de « s’enfuir bien loin l’un de l’autre » se manifestait de plus en plus. Ils ont peur de rester seuls en tête à tête. Après Le départ des Duplessis pour Paris, ils se décident à les suivre. Se trouvant en ce moment dans la gêne, ils ne s’établissent pas à Paris même, mais dans les environs, à Ormesson, où ils louent une maisonnette.

Les affaires pécuniaires des Dudevant, quelque étrange que cela paraisse, étaient alors très embrouillées ; elles le furent, du reste, tout le temps de l’administration de Casimir. Dans les lettres inédites de cette époque nous rencontrons, à chaque pas, la preuve que Casimir empruntait de l’argent chez n’importe qui, qu’il était souvent dans l’impossibilité de payer les termes, s’en excusait, qu’il se jetait dans des opérations financières fort compliquées et s’ingéniait en vain à se tirer d’affaire. Tout cela lui réussissait peu. Sa fortune allait toujours en diminuant, mais jusque-là l’avenir ne faisait encore présager aucun danger. Pour toutes ses affaires et peut-être pour d’autres raisons encore, Casimir allait continuellement d’Ormesson à Paris, laissant sa femme seule et ne rentrant chez lui que le soir.

La maison qu’habitait Aurore appartenait à une certaine dame Richardot qui avait des enfants ; tout à côté demeurait la famille du baron Malus. Les trois ramilles avaient lié amitié entre elles et là encore recommencèrent les jeux et les charades. Comme les Dudevant étaient gens, semble-t-il, à rechercher partout le plaisir de vivre en société, l’automne passa très agréablement et joyeusement. Mais quand, à la fin de l’arrière-saison, les deux familles voisines retournèrent à Paris, tout changea : Aurore resta toute seule à Ormesson. Le mari passait les nuits hors de