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et ma paresse s’arrangeait fort bien de ce régime d’effacement et de silence[1]… »

Toutes les incartades enfantines d’Aurore n’eurent cependant pas une issue aussi paisible, aussi peu remarquée ; elles provoquèrent de plus en plus souvent l’irritation de Casimir. Une de ces folies finit fort malheureusement et devint une date insigne dans l’histoire des Dudevant. — Un jour du mois de juillet, c’était le 25 (le 31, selon d’autres versions) on prenait au Plessis le café après le dîner. Aurore, Félicie Saint-Agnan, Clarisse Lacroix, une autre encore se poursuivaient sur la terrasse, et étaient « bien folles », comme George Sand le déclara plus tard. L’une d’elles, voyant l’inutilité de ses efforts pour en saisir une autre, lui jeta du sable. Quelques grains tombèrent dans la tasse de « papa James ». Il demanda à cette jeunesse turbulente de cesser de se démener de la sorte ; mais elles étaient en train, elles ne cessèrent pas, et Aurore se mit aussi à lancer du sable, Casimir, hors de lui, cria grossièrement contre sa femme, lui ordonna de mettre immédiatement fin à ce jeu stupide, la menaça et, voyant qu’elle ne cessait pas, lui donna un soufflet. Aurore, exaspérée par la colère et cruellement offensée, s’enfuit dans le parc avec Félicie et Clarisse et fut longtemps à se calmer. Dans une de ses lettres postérieures, lorsqu’elle demanda à Félicie, en 1835, d’être témoin, lors de son procès en séparation, où il devait être question de cette scène, George Sand ajoute que ce jour-là elle avait cessé d’aimer Dudevant et que « tout alla de mal en pis[2] ». Mais cela n’est pas

  1. Histoire de ma Vie, t. III, p. 441.
  2. Voir la lettre à Félicie (on a tout lieu de croire, en la confrontant avec d’autres lettres et faits connus, qu’elle a été écrite après le 1er  décembre 1835), dans la Revue Encyclopédique du 15 septembre 1893. Le même fait est raconté dans une lettre d’Aurore Dudevant à son avoué.