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les visites d’usage, les jeunes époux se retirèrent à Nohant.

Avant de raconter leur vie conjugale, qui eut une fin si malheureuse, et de faire le portrait du mari, disons d’abord que les circonstances de ce mariage, telles que nous les avons mises sous les yeux des lecteurs, éveillent un sentiment très pénible. Une jeune fille belle, instruite et riche, épouse, pour ainsi dire, le premier venu — nous ne pouvons parler autrement de Dudevant, car elle avait à peine vu quelques-uns des autres prétendants qui avaient demandé sa main ; — elle se marie sans y penser, sans savoir ce que c’est que l’amour, ignorant ce qu’est un mariage sans amour. Pour elle, c’est un compagnon de jeu qu’elle épouse, sans soupçonner qu’une gaie camaraderie ne suffit pas au bonheur, sans même se soucier de savoir si cela peut suffire pour que la vie en commun soit supportable. Si Aurore se fut mariée une ou deux années plus tard, elle eût certainement mieux connu la vie et les hommes. Un vrai sentiment aurait peut-être eu le temps de s’éveiller en elle, elle ne se fût pas donnée si facilement et n’aurait pas confié son bonheur et son avenir à un homme qui, quoique son aîné et connaissant déjà la vie, ne pensait, pas plus que sa fiancée, qu’il

    mariage du sieur François Dudevant, licencié en droit, sous-lieutenant en non-activité, né a Pompiey le dix-huit messidor an trois (six juillet mil sept cent quatre-vingt-quinze) demeurant avec son père, rue du Hazard n°1, deuxième arrondissement, fils majeur de sieur Jean-François, baron Dudevant, propriétaire, colonel de cavalerie retraité, présent et consentant, et de dame Augustine Souls son épouse, dame exilée Espagne, dont l’existence est ignorée.
    Et de demoiselle Amandine Aurore Lucile Dupin, née à Paris le douze messidor an douze (premier juillet mil huit cent quatre) demeurant chez sa mère, rue Saint Lazare, n° 80 de cet arrondissement, fille mineure de feu sieur Maurice François Elisabeth Dupin, chevalier de la Légion d’honneur, chef d’escadron, et de dame Antoinette Sophie Victoire Delaborde son épouse, présente et consentante…
    En présence de messieurs Jean Jacques Ambert, lieutenant général, commandeur de l’ordre royal de la Légion d’honneur, chevalier de Saint-