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pas un seul enfant au Plessis qui, comme cette petite brune de dix-sept ans, s’amusât et rît à cœur joie, en y mettant toute son âme. Elle avait oublié toutes ses sombres idées, jeté bien loin toute apathie et toute indifférence. Elle se sentait comme chez elle et s’attachait de tout son être à ses hôtes qu’elle estima comme des parents et ses meilleurs amis. Les Duplessis, de leur côté, la regardaient comme leur fille. Mme Angèle qui avait conservé un air de jeunesse, malgré ses cheveux grisonnants et sa nombreuse famille, l’avait prise en amitié dès les premiers jours. Elles se convenaient bien l’une et l’autre par l’indépendance de leurs caractères, leurs habitudes et leur amour de la liberté. Remarquant combien cette pauvre riche héritière était délaissée et abandonnée à elle-même, qu’elle n’avait même pas de garde-robe convenable, parce que la jeune fille était trop insouciante et que sa mère ne pensait pas à sa toilette, quoiqu’elle aimât beaucoup à se parer elle-même ; voyant que les costumes et la chaussure d’Aurore étaient dans un état pitoyable, Mme  Angèle l’habilla des pieds à la tête. Peu à peu elle se chargea de sa direction matérielle et spirituelle, la traita comme une sixième fille, aimée et amie. Aurore l’appela bientôt « maman » comme elle appelait James « papa » ! Tous les hôtes de la maison et tous les domestiques, en lui parlant de James, disaient « votre papa » et, en parlant d’Angèle, disaient, « votre maman » ! Elle appelait aussi Mme  Saint-Aignan, qu’elle aimait beaucoup, « ma tante » et elle lui conserva toujours ce nom.

Les Duplessis, chaque fois qu’ils allaient à Paris, prenaient toujours Aurore avec eux, et, quoique la jeune fille demeurât chez sa mère, elle passait des journées entières avec ses soi-disant nouveaux parents. Ils allaient la cher-