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cupations de la petite bourgeoisie parisienne. Sans aucun doute, George Sand est dans le vrai, quand elle nous raconte que sa mère était très active et savait tout faire, mais tous ces étonnants chapeaux façonnés en moins de trois heures, ces « petites merveilles » et ces « chefs-d’œuvre », témoignages d’adresse des mains, cet art tout parisien de savoir faire des miracles d’un chiffon ou d’un ruban, n’avaient rien de commun avec les habitudes, les goûts, et tout ce qui intéressait Aurore. Pareille activité ne pouvait la satisfaire. D’un autre côté, Sophie détestait et méprisait tout ce qu’aimait sa fille, lui faisait d’éternels reproches, raillait son originalité et sa belle éducation qui était, selon elle, presque synonyme de perversité. Elle commença par chasser le chien favori d’Aurore, puis la jeune servante qui lui était dévouée, lui enleva et jeta au rebut tous les livres qu’elle avait apportés de Nohant, déclarant qu’elle n’y comprenait goutte et que cela prouvait à l’évidence qu’ils étaient nuisibles, immoraux et par-dessus tout parfaitement inutiles. Bientôt La mère se montra encore plus cruelle envers sa fille. Dans le courant des dernières années, lorsque Sophie-Antoinette vivait à Paris et Mlle Dupin à Nohant, la mère avait reçu de La Châtre, et conservé, sans aucun scrupule, un tas de lettres écrites de la plume enfiellée de médisantes et provinciales commères dépeignant, sous les traits les plus noirs et avec des détails révoltants et stupides, toutes les « affreuses aventures », les agissements et la conduite immorale d’Aurore. Il n’y eut pas de vilenie que ne rejetassent sur elle ses ennemis de La Châtre, pas de turpitude que la maman ne lui jetât à la face. Et ces propos ne faisaient naitre en elle ni indignation ni révolte, elle y croyait. Elle y ajoutait ses propres commentaires et des reproches qui consternaient