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de trouver un bon parti dans leur monde. Si elle voulait remplir les volontés de sa grand’mère, elle devait, sans rompre brusquement avec sa mère, tâcher d’échapper prudemment à son autorité, en rentrant d’abord au couvent à la première vacance qui se présenterait, puis chez les Villeneuve pour occuper ensuite dans le monde la place qui lui revenait de droit. Il ne fallait que cela pour décider immédiatement Aurore à ne pas quitter sa mère et à rompre avec les Villeneuve. René la quitta comme eût pu le faire un étranger, sans même la saluer, chagrinant profondément Aurore, mais la laissant inébranlable dans sa résolution.

Les raisonnements démocratiques et les doctrines égalitaires que déploie à ce sujet George Sand dans son Histoire de ma Vie, en avançant que tous les hommes sont égaux devant Dieu, que, déjà dès son enfance, elle n’avait reconnu ni patriciens, ni plébéiens, ni seigneurs, ni vassaux, et que c’étaient ces convictions qui l’avaient portée à agir comme elle l’avait fait, — doivent être rapportés comme presque tous ceux que l’on trouve dans cet ouvrage, non aux années de son enfance et de sa jeunesse, mais à l’année 1847, pendant laquelle elle écrivit en partie ce livre. En 1822, Aurore Dupin n’avait pas conscience de ces idées, ou ne l’avait que confusément. En choisissant entre les Villeneuve et sa mère et en suivant celle-ci, elle n’écouta que son instinct et son amour filial, et l’on ne peut que la louer de sa résolution.

Elle vit cependant bientôt avec chagrin et terreur qu’elle se sentait bien plutôt la petite-fille de sa grand’mère, que la fille de sa mère. La mère et la fille ne se comprenaient point l’une l’autre. La mère était toujours la même ménagère affairée, peu éclairée, noyée dans les mesquines préoc-