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avait pu s’établir chez eux et passer quelques années dans l’atmosphère de cette famille aimante, amie et tranquille, qui lui convenait et aurait partagé ses goûts, elle s’en fût certainement bien trouvée et son avenir fût devenu probablement tout autre. Se sentant à l’aise et heureuse, elle ne se fût sans doute pas mariée si vite et avec tant d’étourderie, et les Villeneuve, loin de se refuser à son désir de rentrer pour quelque temps au couvent, afin d’y continuer et d’y finir son éducation, l’auraient certainement encouragée dans son dessein.

L’orageux emportement de sa mère changea tous ces plans et ces projets. Aurore la suivit à Paris, laissant Nohant aux soins de Deschartres. Les Villeneuve eurent quelque temps encore l’espoir que Sophie permettrait à sa fille de rentrer au couvent et qu’Aurore saurait ensuite reconquérir son indépendance. Mais, comme il n’y avait alors aucune place vacante au couvent des Anglaises et que, d’un autre côté, Sophie, par suite de comptes d’argent et d’héritage, éclata de nouveau en sorties orageuses et furibondes, les Villeneuve, qui gardaient encore quelques préjugés de race, déclarèrent à Aurore qu’elle avait à choisir entre ses parents paternels, et sa mère, escortée de sa parenté et de ses amis.

René de Villeneuve, plus doux et plus fin, cacha les causes de cette mise en demeure, ou du moins ne s’en expliqua pas clairement. Son frère Auguste déclara ouvertement qu’il regardait, quant à lui, tout cela comme bagatelles et préjugés, mais que la jeune fille se perdrait aux yeux du monde, si jamais elle se montrait dans les rues ou au théâtre avec sa mère et la parenté de cette dernière ; que ses parents paternels, Les femmes surtout, refuseraient de la recevoir, et qu’elle devait renoncer à jamais à l’espoir