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jeune cousine ; il se promenait volontiers à cheval et luttait d’adresse avec elle pour sauter les fossés ; il lui apprit à tirer au pistolet. Malheureusement René de Villeneuve ne paraissait pas avoir l’âge qu’il avait, et les commères de La Châtre décidèrent aussitôt qu’Aurore se promenait avec son promis « au nez du monde ». C’était, à leur avis, le comble de l’inconvenance.

Bientôt Aurore donna aux langues un nouveau sujet de médisance ! Dans le voisinage de Nohant, demeurait une nombreuse famille de gentillâtres, autrefois riche, mais à ce moment ruinée, les Ajasson de Grandsaigne ou Grandsagne, Aurore et Hippolyte étaient très intimes avec plusieurs de ces fils de famille, mais en 1821. Aurore se lia d’une amitié plus particulière avec l’un d’eux, Stéphane, que dans l’Histoire de ma Vie elle appelle du faux nom de Claudius[1]. Stéphane se destinait à être médecin et s’occupait de sciences naturelles. Aurore prit goût à ces sciences et se mit à s’occuper, sous la direction de Stéphane, de zoologie, d’anatomie et de physiologie. Deschartres approuva ces occupations, car il était lui-même médecin, aimait la science et espérait qu’Aurore acquerrait, par là, assez de connaissances pour l’aider dans les soins qu’il donnait aux paysans malades.

Voyant le zèle de son élève, Stéphane lui apporta des bras, des jambes et des têtes pour étudier l’ostéologie. C’était là pour les gens de La Châtre, curieux des affaires d’autrui, l’abomination de la désolation. Aussitôt commencèrent à circuler des histoires plus incroyables les unes

  1. Voir à son sujet l’Histoire de ma Vie, vol. III. p. 330-334, et vol. IV, p. 64. Dans la Correspondance, George Sand parle de lui dans sa lettre à Hippolyte, de mais 1827 (tronquée), t. I, p. 31, N° XIII. Dans ses lettres inédites à son mari et à son frère, il est encore souvent question de lui.