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qu’il rencontre sur sa voie — ainsi le développement ultérieur, l’activité et la direction d’esprit de George Sand prirent naissance dans cette essence fondamentale de son âme. L’amour actif, cette source latente, mystérieusement cachée au milieu de ses rêveries enfantines jaillit, du chaos de ses sentiments et de ses pensées, en un torrent, qui les emporta avec lui. Comme un ruisseau clair et limpide, il traversa toute la jeunesse d’Aurore et les années troubles et sombres de sa vie conjugale. Devenu rivière profonde et transparente, il refléta les belles et grandioses créations sociales de notre siècle ; plus tard, il faillit l’entraîner dans le gouffre des ténèbres révolutionnaires… Et comme les embouchures sans rivages de nos rivières russes qui, déversant leurs bienfaits à des centaines de verstes, se confondent insensiblemens avec la mer, ainsi, au déclin de la vie de George Sand, cet amour infini du prochain, encore élargi, embrassant toute l’humanité, lui rendit insensible et presque joyeux le passage de la vie terrestre à l’océan de l’Éternité. C’est en cet amour-actif, qu’il faut chercher le principe de tous les engouements de George Sand pour les doctrines sociales ; la raison de ses sympathies pour Le saint-simonisme, de son adoration pour Rousseau et Lamennais, de son amitié pour Pierre Leroux, Michel de Bourges et les républicains de 1848, la cause de son enthousiasme lors de l’élection à la présidence de la république de Napoléon III, qu’elle regardait comme le vrai défenseur des droits sociaux du peuple à l’inverse des représentants des autres partis politiques, plus soucieux de la forme du gouvernement que du bien des masses populaires. Voilà les vrais motifs de sa discorde en 1870-1871 et même de ses querelles avec ses anciens amis républicains. Les partis n’avaient d’importance à ses