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élèves et les aidait à bêcher leurs parterres et à planter des fleurs. C’est ainsi qu’elle passait évangéliquement la plus grande partie de son temps avec « les petits enfants » et avec les « pauvres d’esprit ». Les compagnes d’Aurore voyaient avec étonnement et mépris ces occupations ; certaines disaient qu’elle avait perdu l’esprit. Elles ne comprenaient pas, que cette âme ardente ne pouvait croire avec calme, aimer Dieu avec tiédeur, ne pas s’efforcer d’être chrétienne dans toute la force du terme, en s’immolant, en souffrant ; qu’elle voulait, en chaque action et à chaque pas, suivre l’enseignement du Christ et aimer parvulos quos de cet amour qui agit, prescrit par L’Évangile.

Nous ne pouvons pas ne pas attirer ici l’attention du lecteur sur ce fait de toute importance, que les premiers pas d’Aurore Dupin dans la voie religieuse étaient empreints de cet amour actif, et ne pas faire remarquer qu’elle puisa, avant tout, dans le christianisme cette pitié qui en est l’essence même et vers laquelle elle s’était sentie inconsciemment attirée lorsqu’elle avait créé son Corambé, divinité toujours occupée à soulager les malheureux, à protéger les faibles, à consoler les oppprimés. L’amour actif du prochain, était non seulement la religion la plus appropriée au caractère d’Aurore Dupin, c’était le fond même de son âme. Toute âme possède une parcelle de la divinité, un cristal — base première — autour duquel viennent se grouper les autres qualités de l’âme et dont les facettes reflètent Le Grand Soleil. Dans Aurore, ce diamant était une miséricorde et une charité sans bornes, un amour actif, celui dont saint Jean ne cessa de parler sur son lit de mort. Comme une source alpestre, née du pur cristal d’un glacier qui fond aux rayons du soleil, devient peu à peu un torrent impétueux entraînant tout ce