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semblait dire : « Baste ! qu’importe ! Je n’ai rien à perdre ! Vous allez voir de quoi je suis capable !… » Voyant que l’enfant courait ainsi à des malheurs certains, qu’elle se montrait indomptable, la grand’mère lui déclara qu’elle allait la mettre en pension au couvent des Anglaises à Paris. Aurore espéra un moment que sa mère protesterait contre une pareille décision, mais quand elle s’aperçut, en la revoyant, qu’elle l’acceptait non seulement avec indifférence, mais que, visiblement détachée de sa fille, elle employait toute son éloquence à lui persuader d’obéir à la volonté de sa bonne maman, l’enfant renonça du coup à tous ses rêves d’autrefois et se soumit docilement aux volontés de sa grand’mère.

Le couvent des Anglaises avait été fondé par Henriette d’Angleterre, veuve de Charles Ier, pour les religieuses émigrées, Anglaises, Écossaises et Irlandaises, et le pensionnat qui en faisait partie, était considéré comme le meilleur établissement d’éducation pour les jeunes filles des familles nobles, surtout depuis la Restauration, lorsque la religion et la piété furent à l’ordre du jour. Il y a tout lieu de supposer, qu’indépendamment de ce qui venait de se passer, la grand’mère aurait volontiers placé Aurore dans cet établissement fashionable. Elle jugeait certainement utile et important qu’Aurore passât les années de son adolescence avec des jeunes filles de son monde, s’y créât des relations et des amitiés et que son éducation, par trop originale jusque-là, fût plus conforme aux exigences de sa caste.

Aurore, de son côté, trouvait fort indifférent de rester à la maison ou d’entrer au couvent ; elle était plongée dans une morne apathie, tout la dégoûtait. « On est partout plus mal, » avait-elle l’air de penser. Elle se laissa con-