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sions, à des conflits perpétuels. Un jour, elle entendait dire à Nohant, que les gens bien élevés devaient agir d’une telle façon ; le lendemain, à Paris, on tournait en dérision devant elle tous les gens, « soi-disant convenables ». Un jour, on tâchait de lui inspirer l’amour de la lecture et de l’étude, le lendemain les mêmes études étaient un sujet de quolibets et traités de « passe-temps bons tout au plus pour les oisifs et les fainéants ».

Lorsque Aurore accompagnait sa grand’mère à Paris, elles s’installaient toutes deux, rue Neuve-des-Mathurins, dans un appartement peu spacieux, il est vrai, mais fort élégant et de bon goût, où la vieille dame recevait souvent ses amis des deux sexes, pour la plupart des personnes de grande naissance et titrées. Quant à Sophie-Antoinette, elle demeurait toujours avec Caroline, rue de la Grange-Batelière. La grand’mère refusait d’y laisser aller Aurore, parce qu’elle ne voulait pas qu’elle vît sa demi-sœur ; elle s’opposa même résolument à tout rapport entre les deux fillettes. Caroline était une enfant paisible et pieuse, mais la grand’mère ignorait ses qualités et détestait en elle la preuve vivante de l’irréparable passé de sa belle-fille. La pauvre Caroline demandait souvent à sa mère pour quelle raison elle ne voyait pas sa sœur, mais elle ne recevait que des réponses évasives. Un jour que Sophie était allée dîner en ville, Caroline se présenta sans autorisation rue des Mathurins et demanda à Rose d’appeler Aurore ; celle-ci jouait sur le tapis ; la grand’mère paraissait sommeiller dans son fauteuil. L’enfant, sans savoir pourquoi on l’appelait, se dirigea sur la pointe des pieds vers la porte, mais la grand’mère ouvrit soudain les yeux et demanda où elle allait. Il fallut lui avouer la vérité. La grand’mère crut voir là une ruse