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des champs », de son Médecin de campagne. Ces mêmes impressions, conscientes et inconscientes, du milieu militaire où elle avait vécu, permirent plus tard à George Sand de créer les types extraordinairement vivants de militaires que l’on trouve dans ses romans.

Mais, quand le congé du jeune aide de camp arrivait à sa fin, lorsqu’il devait regagner son poste, les jours se remettaient à couler paisiblement dans le logis de la rue Grange-Batelière, entrecoupés seulement, de temps à autre, par des excursions à Chaillot où l’on envoyait souvent Aurore sous la garde d’une laitière amie qui conduisait et ramenait la fillette. Comme nous le savons déjà, elle installait Aurore et sa cousine Clotilde dans les immenses paniers attachés sur le dos de l’âne qui portait le lait à Paris. À Chaillot, les enfants prenaient leurs ébats dans le jardin et jouaient à la guerre, représentant, comme en ville, les exploits des armées napoléoniennes, gravissant de hautes montagnes, franchissant des marais bourbeux et des rivières au cours rapide.

Mais bientôt Aurore dut affronter, sinon les batailles elles-mêmes, au moins les difficultés de la vie de campagne. Dupin eut à accompagner Murat dans la guerre d’Espagne. Sophie-Antoinette qui s’ennuyait d’être seule, et de plus était jalouse de son mari qui, semble-t-il, lui en fournissait souvent l’occasion par sa conduite, au fond irréprochable, mais en apparence fort légère, prit la résolution de le suivre à Madrid. Elle était alors enceinte, et il était de sa part peu raisonnable de risquer en cet état sa santé et celle de son enfant. Malgré tout, accompagnée d’Aurore et d’une dame de sa connaissance qui allait aussi rejoindre son mari en Espagne, elle quitta Paris en calèche, et après un pénible voyage qui ne s’accomplit pas sans quelques dangers, elle arriva à Madrid exténuée et couverte de