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et les occupations littéraires. Elle était excellente musicienne, chantait à ravir et devint plus tard le professeur de sa petite-fille, non seulement pour lui enseigner le piano, mais aussi pour lui inculquer les premières notions de la science musicale. Type des libres-penseuses de son temps, imbue des idées des encyclopédistes, pleine de mépris pour les usages, les superstitions, pour tout ce qui est « irrationnel », enthousiaste de toute conquête dans le domaine de la pensée libre, elle s’occupa toute sa vie des travaux de l’esprit. Elle lisait beaucoup, faisait des extraits et des résumés de ses lectures, prenait des notes : les cahiers qu’elle a laissés, pleins de notes et d’observations, témoignent du sérieux et de la force de son intelligence. Marie-Aurore avait sans doute hérité de Maurice de Saxe cette direction d’esprit. Elle était, comme lui, encline à systématiser, à s’occuper de questions sociales et philosophiques ; heureusement pour elle, elle n’avait rien hérité de son tempérament passionné ; de toutes les passions elle ne connut que celle de l’amour maternel. À l’observer de plus près, on verra cependant qu’elle a porté dans cet amour maternel, pour son fils d’abord et pour sa petite-fille ensuite, deux éléments de passion : la jalousie et l’intolérance, Elle transmit son goût musical et littéraire à son fils, Maurice Dupin, qui, cependant, hérita avec son sang, en passant par-dessus une génération, de la nature passionnée et sensuelle de son aïeul. Son père, Dupin de Francueil, qui s’était fait remarquer en son temps comme un brillant galantin et un aimable cavalier, lui avait aussi transmis, avec sa « galanterie », son aimable légèreté. Les lettres de Maurice Dupin à sa mère, pendant que celle-ci était en prison, et celles surtout qu’il lui adressait du théâtre de la guerre, décèlent un véritable talent littéraire.