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autres aristocrates libres-penseurs, dans l’ancien régime, fut alors pratiqué par les représentants du nouvel ordre de choses. Les Dupin purent enfin, heureusement, sortir sains et saufs de toutes ces épreuves, mais l’ancien cours normal de leur existence se trouvait bouleversé ; ce qui souffrit surtout, ce fut la régularité de l’éducation de Maurice Dupin qui fut à jamais interrompue. Il avait à peine seize ans. Élevé par sa mère dans l’esprit des idées « d’égalité, de fraternité, de liberté, » alors triomphantes (elle envisageait cependant avec horreur la réalisation de ces idées au moyen de la guillotine et des autres violences de l’époque), il entra, une année plus tard, dans les rangs de l’armée républicaine. Simple soldat, d’abord, sous les ordres de Masséna, puis attaché à la personne du général Dupont, il fit, de 1796 à 1808, toutes les campagnes républicaines et impériales, traversa l’Allemagne, L’Italie et l’Espagne, fut blessé, fait prisonnier par les Autrichiens, et devint plus tard le brillant aide de camp du brave Murat. Il mourut subitement en 1808, tout jeune encore, désarçonné par un cheval ombrageux et tué sur place, pendant un congé qu’entre deux campagnes il passait à Nohant, chez sa mère. Sa correspondance avec sa mère nous le dépeint comme un jeune homme exubérant de vie, un peu étourdi, mais généreux et loyal, une nature franche et artistique, véritable type des vaillants soldats de la République.

Pendant les campagnes d’Italie, il fit la connaissance d’une jeune personne fort avenante et jolie, Sophie-Antoinette-Victoire Delaborde, qui partageait la vie de camp d’un vieux général. Celui-ci était riche, tandis que le jeune officier qui n’était pas encore entièrement remis de sa blessure, et qui se trouvait presque sans le sou après