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vres et grands, tous s’y précipitaient. Les larmes coulaient ; mais les fonctionnaires et les citoyens, à l’exemple des Boyards, prêtèrent avec zèle le serment de fidélité à la Tsarine, princesse chérie, par qui la Russie se voyait encore préservée du malheur de rester entièrement orpheline. La capitale était désolée, mais paisible. Le conseil envoya des courriers dans les provinces, enjoignit de cesser, jusqu’à nouvel ordre, toutes les communications avec l’étranger, et de veiller parlout avec les plus grands soins à maintenir la tranquillité.

Le corps de Fédor fut mis dans un cercueil, en présence d’Irène, qui effrayait tous les spectateurs par l’excès de son inexprimable douleur. Elle se lamentait, se tordait les membres, n’écoutait ni son frère, ni le Patriarche ; de sa bouche, d’où jaillissait le sang, s’échappaient quelques mots entrecoupés. « Je suis une veuve stérile… C’est par moi que périt la souche souveraine » !… Le soir on transporta le cercueil dans l’église de Michel-Archange. Le Patriarche, les Évêques, les Boyards et le peuple étaient pêle-mêle ; il n’exislait plus de distinction de rangs, la douleur les avait