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rieux se demandaient « si Théodosie, venant à n’avoir point de frère, succéderait au trône, et si un cas, sans exemple jusqu’alors, ne pourrait pas servir de règle pour l’avenir ? Jamais en Russie une femme n’avait hérité de la Couronne ; mais ne valait-il pas mieux établir une nouvelle loi que de laisser le trône vacant ? » Ces questions délicates troublaient peut-être aussi Godounoff ; elles furent décidées, pour sa tranquillité, par la mort de Théodosie qui arriva l’année suivante. Malgré toutes les consolations de la religion, Fédor ne put de long-temps tarir ses larmes ; toute la capitale pleurait avec lui à l’enterrement de la jeune Tsarine dans le couvent des religieuses, nommé Vosnesensk, et partageait le chagrin d’une tendre mère qui, frappée de ce coup, renonça à toute espèce de bonheur sur la terre. Godounoff, renfermant dans son âme une joie féroce, feignit habilement le désespoir (car il est plus facile de témoigner une fausse affliction qu’une fausse joie) ; mais cet homme ambitieux et cruel fut de nouveau en butte au soupçon : on crut qu’ayant causé la mort d’Eudoxie, il était également l’auteur de celle