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mais il voyait au fond de leurs cœurs la haine, l’envie, et un juste ressentiment contre l’assassin des Schouisky ; il avait des amis, mais qui n’existaient que par lui et qu’il entraînerait dans sa chûte, ou qui le trahiraient dans un changement de fortune ; il comblait le peuple de bienfaits, mais comptait peu sur sa gratitude, ayant la conscience involontaire des motifs peu vertueux qui le portaient au bien, et n’ignorant pas que ce peuple, dans un moment critique, tournerait ses regards vers les Boyards et le Clergé, pour agir d’après leur impulsion. Godounoff, dans la position de Pierre le Grand, aurait pu, comme lui, renverser la dignité de Patriarche, mais les circonstances n’étaient pas les mêmes ; il voulut flatter l’ambition de Job, par un titre éclatant, et se ménager en lui un serviteur plus zèlé et plus illustre : car le moment décisif était venu, et ce Boyard tout-puissant osa enfin soulever, pour son ambition, le voile de l’avenir.

Projet de Godounoff. En supposant même que Godounoff, maître de tout, excepté de la couronne de Fédor, n’y eût point prétendu, encore pouvait-il