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pouvoir souverain. C’est ainsi que le jugeait son père, lorsque, dans des momens d’épanchement, il donnait des larmes à la mort de son fils aîné, objet particulier de son affection (1). Fédor n’avait hérité ni du génie politique de son père, ni de son extérieur imposant. Il n’avait aucun trait de la beauté mâle de son grand père ni de son ayeul. Il était pâle, sa taille était petite et son corps était grêle. Le sourire était toujours sur ses lèvres ; mais son visage n’avait pas la moindre expression. Il était lent dans tous ses mouvemens ; une grande faiblesse de jambes le faisait marcher d’un pas inégal ; en un mot, tout indiquait en lui un épuisement prématuré de forces physiques et morales. En voyant un souverain de vingt-sept ans, condamné par la nature à une éternelle enfance et destiné à vivre dans la dépendance entière des grands ou des moines, on n’osait se réjouir de la fin de la tyrannie. On craignait que les troubles et les intrigues des Boyards ne fissent bientôt regretter cet état, plus funeste sans doute pour les particuliers, mais moins dangereux peut-être pour un grand empire, fondé sur un