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1560 — 1561. des objets qui agissent sur leur âme. Jean était né avec des passions ardentes, avec une imagination forte, un esprit plus brillant encore que solide. Une éducation vicieuse ayant altéré ses inclinations naturelles, la religion seule lui avait offert un moyen de se corriger ; car les plus audacieux corrupteurs des princes n’osaient point alors attaquer ce sentiment sacré : de vertueux amis de la patrie avaient réussi, dans des circonstances extraordinaires, à toucher, à subjuguer son âme, en profitant de ses propres et salutaires terreurs ; ils avaient arraché ses premiers ans aux piéges de la volupté, et, à l’aide de la pieuse, de la douce Anastasie, ils l’avaient mis sur le chemin de la vertu. Les funestes suites de la maladie de Jean avaient rompu cette belle union, affaibli le pouvoir de l’amitié, en un mot, préparé un changement de caractère. Le tzar venait d’atteindre l’âge viril : l’esprit, en se déployant, donne un plus grand essor aux passions, et l’amour-propre agit, dès lors, avec plus d’empire, avec plus de force encore que dans la première jeunesse. Si la confiance du prince dans la sagesse de ses instituteurs n’était point diminuée, celle qu’il mettait dans ses propres moyens s’était accrue : reconnaissant de leurs conseils éclairés, le monarque cessa d’éprouver le besoin