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Celle-ci est insuffisante pour corriger les mechans, mais elle prévient quelquefois des crimes toujours possibles, parce que les passions exercent aussi leurs fureurs dans les siècles de civilisation. Trop souvent leur violence porte la raison à se taire ou à justifier d’une voix servile les excès qui en sont le résultat.

Mélange de bien et de mal dans le caractère de Jean. Ainsi, l’esprit supérieur de Jean, ses lumières et ses connaissances unies à une éloquence peu commune, ne l’empêchaient pas de se livrer, sans pudeur, à une honteuse dissolution : doué d’une mémoire rare, il savait par cœur la Bible, l’histoire des Grecs et des Romains, celle de Russie, et ne s’en servait que pour leur donner d’absurdes interprétations en faveur de la tyrannie. Il se vantait de sa fermeté, de son empire sur lui-même, parce qu’il savait rire aux éclats dans des momens de crainte et d’agitation intérieure : il se vantait de sa justice en punissant des mêmes peines, et avec un égal plaisir, le mérite ou le crime ; d’avoir l’âme élevée et véritablement royale, de savoir conserver la dignité de son rang, en donnant l’ordre de mettre en pièces un éléphant qu’on lui avait envoyé de Perse, parce que cet animal n’avait pas voulu s’agenouiller devant lui ; en faisant châtier de malheureux courtisans qui osaient