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1584. nations n’offraient des exemples aussi étonnans. Caligula, d’abord modèle des souverains, ensuite monstre affreux ; Néron, l’élève du sage Sénèque, objet d’amour, objet d’horreur, n’ont-ils pas régné à Rome ? À la vérité ils étaient payens ; mais Louis XI était chrétien, et ne le cédait à Jean ni en férocité, ni en dévotion, moyen qu’ils croyaient propre à effacer leurs crimes. Tous les deux étaient pieux par crainte, tous les deux également cruels et voluptueux. Ces êtres dénaturés, contraires à toutes les lois de la raison, paraissent dans l’espace des siècles comme d’effrayans météores, pour nous montrer l’abîme de dépravation où peut tomber l’homme, et nous faire trembler !... Utilité de l’Histoire. La vie d’un tyran est une calamité pour le genre humain ; mais son histoire offre toujours d’utiles leçons aux souverains et aux nations. Inspirer l’horreur du mal, n’est-ce pas répandre l’amour du bien dans tous les cœurs ? Gloire à l’époque où l’historien, armé du flambeau de la vérité, peut, sous un gouvernement autocrate, dévouer les despotes à un éternel opprobre, afin de préserver l’avenir du malheur d’en rencontrer d’autres ! Si l’insensibilité règne au-delà du tombeau, les vivans au moins redoutent la malédiction universelle et la réprobation de l’histoire.