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1576. que ces paisibles héros, auxquels le voïévode russe avait garanti une entière sécurité, étaient occupés à se divertir au moment même où les Russes entraient dans leur ville, et qu’à l’aspect de leurs réjouissances, un de nos jeunes princes dit à un Allemand de sa connaissance : « Si nous eussions cédé, vivans, une place de cette importance à l’ennemi, qu’aurait fait notre souverain ? Qui de nous aurait osé regarder en face un vrai chrétien ? Et vous autres, Allemands, vous célébrez votre honte ! » Ils la célébraient entourés de tombeaux et de ruines ! Il semblait que, déchirée par toutes les calamités d’une longue guerre, victime de l’ambition des peuples voisins, la Livonie eût épuisé la coupe du malheur. Les châteaux ainsi que les chaumières étaient en proie à la famine et à la misère. Selon le rapport des annalistes, la femme d’un illustre chevalier, nommé de Tedven, qui possédait naguères un palais magnifique dont la richesse causait l’étonnement des gens les plus opulens eux-mêmes, mourut alors sur la paille, à Habsal, et fut enterrée nue !…. Toutefois le destin préparait de nouvelles horreurs à cette malheureuse province. Jean retenait encore son bras armé pour sa conquête ou sa perte, car, bien qu’il ne craignît plus Devlet-Ghireï, il se