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1560 — 1561. pour les faiblesses d’un prince : chacun, frappé de stupeur, se demandait par quelle funeste influence, un monarque, cité jusqu’alors comme un modèle de tempérance et de chasteté, s’abaissait jusqu’à la dissolution.

Ce malheur bien grand, sans doute, en produisit un plus terrible encore. Les corrupteurs du prince lui faisaient remarquer la tristesse peinte sur la physionomie des respectables boyards : « voilà, disaient-ils, vos ennemis : au mépris du serment qu’ils vous ont prêté, ils vivent à la manière d’Adascheff ; ils sèment des bruits funestes pour agiter les esprits ; ils regrettent l’ancienne insubordination. » Le venin de ces calomnies empoisonna le cœur du tzar, déjà bourrelé par le sentiment de ses erreurs ; son regard devint sombre, des paroles menaçantes s’échappaient de sa bouche : prêtant aux boyards de coupables intentions, les accusant de perfidie, d’un attachement opiniâtre à l’odieuse mémoire de prétendus traîtres, il résolut de se venger d’eux, et devint un tyran si épouvantable qu’à peine on en trouverait un semblable dans les Annales de Tacite !…. Sans doute son âme, naguère sensible à la vertu, ne devint pas instantanément féroce : ainsi que le bien, le mal a ses nuances et ses degrés ; mais