Page:Karamsin - Histoire de l'empire de Russie, Tome IX, 1825.djvu/233

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

1571. triomphe, il reprit le chemin de la Tauride, effrayé par la fausse nouvelle que le duc ou roi Magnus s’avançait à la tête d’une armée formidable. Jean apprit à Rostof la retraite de l’ennemi ; il ordonna aussitôt au prince Vorotynsky d’aller à la poursuite du khan ; mais, malgré la célérité de ce voïévode, les Tatars eurent le temps de ravager la plus grande partie des provinces situées au sud-est de Moscou et d’entraîner en Tauride plus de cent mille prisonniers. S’il était resté dans l’âme de Jean la moindre étincelle de générosité, il serait devenu, après cette affreuse calamité, le consolateur de son peuple : au lieu de cela, fuyant un théâtre de terreur et de larmes, il s’éloigna des ruines de sa capitale et retourna à la Slobode, donnant l’ordre de déblayer Moscou des cadavres qui infectaient l’atmosphère. Comme on manquait de bras pour les enterrer, on n’inhuma avec les cérémonies religieuses que les gens distingués par leur rang ou leurs richesses. Le reste fut jeté dans la Moskva, en telle quantité que son cours se trouva interrompu : ces monceaux de corps empoisonnaient l’air et les eaux ; les puits étaient ou desséchés ou comblés, de sorte que les débris de la population succombaient à l’ardeur de la soif. Enfin, on fit venir les habitans des villes