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1570. l’épithète de chien et continua de s’amuser.

Un autre jour, au moment où il était à table, Boris Titof, voïévode de Staritza, se présente devant lui, s’incline jusqu’à terre et lui adresse les complimens accoutumés : Dieu te conserve, mon cher voïévode ! lui dit le tzar ; tu mérites une grâce de ma part ; et prenant un couteau, il lui coupe une oreille ! Titof, sans laisser paraître la moindre douleur, sans changer de visage, remercia le tzar de sa gracieuse punition, et lui souhaita un heureux règne (71). Quelquefois le tyran, bien que plongé dans la sensualité, semblait en oublier les plaisirs ; il repoussait soudain les mets et les liqueurs, abandonnait les festins, puis, d’une voix de tonnerre, appelant sa légion, il s’élançait sur un cheval et courait se baigner dans le sang. C’est ainsi que quittant un dîner somptueux, il sortit un jour de son palais pour aller massacrer les prisonniers de guerre polonais enfermés dans Moscou. On rapporte que l’un d’entre eux, le gentilhomme Bykovsky, arracha la lance des mains du tyran et allait l’en percer lui-même, lorsqu’il reçut la mort d’un coup porté par le tzarévitsch Jean ; car dans de semblables occasions ce jeune prince secondait son père avec ardeur, comme pour enlever aux Russes jusqu’à l’espoir d’un règne