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§ XX.

Nous devrons donc décomposer une expérience en général pour voir ce qui est contenu dans ce produit de l’entendement, et de quelle manière le jugement expérimental est lui-même possible. Il a pour base l’intuition, dont j’ai conscience, c’est-à-dire une perception (perceptio), qui n’appartient qu’aux sens. Il faut en second lieu le jugement (qui est l’affaire propre de l’entendement). Ce jugement peut être de deux sortes, suivant que je compare simplement les perceptions et que je les réduis à une conscience unique de mon état, ou qu’au contraire je les unis en une conscience en général. Le premier de ces jugements n’est qu’un jugement perceptif et n’a qu’une valeur objective ; c’est une simple liaison des perceptions dans mon état interne sans rapport à l’objet. Il ne suffit donc pas pour qu’il y ait expérience, comme on se le figure ordinairement, qu’il y ait liaison en une seule conscience par le moyen du jugement ; il n’y aurait là ni universalité de valeur ni nécessité du jugement, seules conditions cependant de valeur objective et d’expérience.

Pour qu’il y ait expérience par perception il faut encore un jugement tout différent de celui-là. L’intuition donnée doit être subsumée à une notion qui détermine la forme du jugement en général par rapport à l’intuition, qui relie la conscience empirique de l’intuition en une seule conscience en général, et donne ainsi aux jugements empiriques une valeur