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§ XIX.

La validité objective et l’universalité nécessaire (pour chacun) sont donc des notions réciproques, et quoique nous ne connaissions pas l’objet en soi, lors cependant que nous regardons un jugement comme universellement valable et par conséquent comme nécessaire, nous entendons par là précisément la validité objective. Par ce jugement nous connaissons l’objet (si inconnu d’ailleurs qu’il puisse être en lui-même) ; par la liaison universellement valable et nécessaire des perceptions données comme c’est le cas de tous les objets des sens —, les jugements d’expérience emprunteront donc leur valeur objective, non pas de la connaissance immédiate de l’objet (laquelle est impossible), mais uniquement de la condition de la valeur universelle des jugements empiriques, valeur qui, comme on l’a déjà dit, ne repose jamais sur les conditions empiriques, sur des conditions sensibles en général, mais sur une notion intellectuelle pure. L’objet reste donc toujours inconnu en soi ; mais si la liaison des représentations qui sont données par l’objet à notre sensibilité reçoit une valeur universelle par la notion intellectuelle, l’objet se trouve déterminé par ce rapport, et le jugement est objectif.

C’est ce que nous allons expliquer. Qu’une chambre soit chaude, que le sucre soit doux, l’absinthe amère[1],

  1. Je reconnais volontiers que ces exemples ne sont pas des jugements perceptifs qui puissent jamais être des jugements d’expérience, même en y ajoutant une notion intellectuelle, parce qu’ils se rapportent