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SUR LA PHILOSOPHIE


térieure et intérieure de cet organe, deux choses qui sont les conditions de son usage possible, et par conséquent la causalité suivant des lois mécaniques. Mais je puis me servir aussi d’une pierre pour rompre quelque chose dessus ou pour y édifier, etc. ; et ces effets peuvent aussi être rapportés comme fin à leurs causes ; mais je ne puis pas dire pour cela que la pierre a dû servira bâtir. Je juge de mon œil seulement qu’il a dû être organisé pour voir ; et quoique la figure de cet organe, la propriété et l’arrangement de toutes ses parties soient jugées suivant des lois purement mécaniques, ce qui est tout à fait contingent pour mon jugement, je conçois pourtant par rapport à sa forme et à sa construction, la nécessité qu’il ait été fait d’une certaine manière, c’est-à-dire qu’il a dû être fait d’après une notion antérieure aux causes formatrices de cet organe, sans lesquelles la possibilité de ce produit de la nature n’est compréhensible pour moi selon aucune loi naturelle mécanique (ce qui n’est point le cas d’une pierre). Cette obligation contient donc une nécessité qui se distingue clairement des lois physico-mécaniques suivant lesquelles une chose est possible d’après les simples lois des causes actives ou efficientes (sans idée préalable de cette chose) et ne peut pas plus être déterminée par des lois purement physiques (empiriques) que la nécessité du jugement esthétique ne peut l’être par des lois psychologiques. Elle exige au contraire un principe propre a priori dans le jugement réflexif, principe auquel le jugement téléologique est soumis, et d’après lequel la valeur et la sphère de ce jugement doivent être déterminées.