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SUR LA PHILOSOPHIE


pour la connaissance de son objet ; car alors l’expression d’esthétique signifie que la forme de la sensibilité (la manière dont le sujet est affecté) tient nécessairement à une telle représentation, et que cette forme est inévitablement transportée à l’objet (mais seulement comme phénomène). Il pourrait donc y avoir une esthétique transcendantale comme science appartenant à la faculté de connaître. Mais depuis longtemps on a pris l’habitude d’appeler une certaine représentation : esthétique, c’est-à-dire sensible, dans le sens aussi de : rapport d’une représentation non à la faculté de connaître, mais au sentiment de plaisir ou de peine. Quoique nous ayons coutume d’appeler encore cette manière d’être affecté (en conséquence de cette dénomination) un sentiment (une modification de notre état), parce qu’une autre expression nous manque, ce n’est pourtant point un sentiment objectif, destiné à contribuer à la connaissance d’un objet (car voir, ou autrement connaître quelque chose, avec plaisir, n’est point un pur rapport de la représentation à l’objet, c’est une susceptibilité du sujet) ; il n’y aide en rien. C’est précisément parce que toutes les déterminations du sentiment n’ont qu’une valeur subjective, qu’il ne peut y avoir une esthétique du sentiment comme science, à peu près comme il y a une esthétique de la faculté de connaître. Il reste donc toujours une équivoque inévitable dans l’expression de mode de représentation esthétique, si l’on entend par là, tantôt la représentation qui excite le sentiment de plaisir et de peine, tantôt celle qui concerne seule-