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PROGRÈS DE LA MÉTAPHYSIQUE


boussole pour se diriger : d’une part, le principe de la raison suffisante servant à distinguer l’existence des choses de leur simple possibilité suivant des notions, et, d’autre part, le principe de la différence des représentations obscures, claires en soi, mais encore confuses, d’avec des représentations lucides, principe servant à distinguer l’intuition d’avec la connaissance par notions. Toutefois, malgré ce travail, la philoso{{{2}}}phîe dont nous parlons est toujours restée, sans qu’elle s’en soit doutée, dans le champ de la logique ; elle n’a pas fait un pas vers la métaphysique, bien moins encore y a-t-elle conquis le moindre terrain. Elle a donc prouvé par là qu’elle n’avait absolument aucune connaissance claire de la différence des jugements synthétiques et des analytiques.

La proposition : « Tout a sa raison, » proposition qui tient à cette autre : « Tout est une conséquence, » ne peut donc appartenir qu’à la logique, et la distinction des jugements, suivant qu’ils sont problématiquement connus, ou qu’ils doivent valoir assertoriquement, est purement analytique, puisque, si elle devait valoir pour les choses, en ce sens que toutes choses ne devraient être regardées que comme une conséquence de l’existence d’une autre, le principe de la raison suffisante sur lequel cependant on se fondait ne se rencontrerait nulle part. Pour prévenir cette absurdité, on se réfugiait dans le principe qu’une seule chose {ens a se) a bien toujours un principe de son existence, mais qu’elle l’a en soi, c’est-à-dire qu’elle existe comme conséquence d’elle-même. Alors, pour