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PROGRÈS DE LA MÉTAPHYSIQUE


que dit l’expérience comme extension a priori de sa connaissance des objets d’une expérience possible, en mathématiques comme en ontologie, ce sont des pas réels qui conduisent en avant, et qui font gagner du terrain à coup sûr. Non, ce sont de prétendues conquêtes entreprises dans le champ du sursensible, où il s’agit de la totalité absolue de la nature, qui n’est l’objet d’aucun sens, comme aussi de Dieu, de la liberté et de l’immortalité, principalement les trois derniers objets auxquels la raison attache un intérêt pratique, à l’égard desquels cependant toutes les tentatives d’extension restent impuissantes. Ce qu’on n’attribue sans doute pas à ce qu’une connaissance du sursensible plus profonde, comme métaphysique supérieure, enseigne peut-être le contraire de ces opinions, car nous ne pouvons comparer avec ce sursensible cette connaissance, parce qu’elle nous échappe dans son immensité (als ùberschwœnglich) ; mais c’est parce qu’il y a dans notre raison des principes qui opposent à une proposition extensive sur ces objets une autre proposition en apparence aussi fondamentale, et qu’ainsi la raison détruit elle-même ses tentatives.

Cette marche des sceptiques est naturellement quelque chose d’origine postérieure, mais cependant assez ancienne, et qui se rencontrera toujours dans de très bons esprits, quoiqu’un autre intérêt que celui de la raison pure force un grand nombre d’hommes à dissimuler en cela l’impuissance de la raison. On ne peut raisonnablement considérer comme une opinion sérieuse celle qui étend la doctrine du doute jusqu’aux