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PROGRÈS DE LA MÉTAPHYSIQUE

Les premiers et plus anciens pas dans la métaphysique n’ont pas eu le caractère d’essais quelque peu réfléchis ; ils ont été faits au contraire avec une entière assurance, sans qu’on eût fait préalablement des recherches soigneuses sur la possibilité de la connaissance a priori. Quelle a été la cause de cette confiance de la raison en elle-même ? Le succès présumé. Car en mathématiques la raison parvient à connaître a priori la propriété des choses, bien au delà de ce que les philosophes peuvent attendre ; pourquoi n’en devait-il pas être de même en philosophie ? Les métaphysiciens n’ont pas eu la pensée de faire un problème important de cette différence capitale par rapport à la connaissance a priori, que les mathématiques opèrent sur le terrain du sensible, où la raison même peut construire des notions, c’est-à-dire les exposer en intuition a priori, et connaître ainsi a priori les objets, tandis que la philosophie entreprend d’étendre la connaissance de la raison par de simples notions, où l’on ne peut pas, comme là, se représenter son objet, mais qui flottent pour ainsi dire dans l’espace. L’accord de ces jugements et de ces principes avec l’expérience, prouve suffisamment l’extension de la connaissance a priori, en dehors même des mathématiques, par de simples notions.

Quoique le sursensible, qui est cependant la fin suprême de la raison en métaphysique, n’ait proprement pas de fonds, les métaphysiciens tout consolés se sont cependant mis en campagne, sur la foi de leurs principes ontologiques, qui sont bien d’origine a priori,