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ne renferme pas de dogmatisme dans le sens où notre Critique prend toujours ce mot.

Par dogmatisme en métaphysique cette Critique entend : une confiance générale aux principes de cette prétendue science, sans critique préalable de la faculté même de connaître, en ne se préoccupant que de son succès. Elle entend par scepticisme une défiance générale contre la raison pure sans critique préalable, en vue seulement de l’inexactitude de ses assertions[1]. La critique (die Kriticismus) de la méthode en tout ce qui appartient à la métaphysique (le doute suspensif ou méthodique) est, au contraire, la maxime d’une défiance universelle à l’égard de toutes les propositions synthétiques de cet ordre, tant qu’un principe

  1. Le succès dans l’usage des principes a priori est leur constante confirmation dans leur application à l’expérience ; car alors on passe presque au dogmatique sa preuve a priori. Mais l’insuccès dans le même usage, insuccès qui occasionne le scepticisme, n’a lieu que dans les cas seulement où des preuves a priori peuvent être demandées, parce que l’expérience ne peut rien confirmer ni contredire à cet égard, et consiste en ce que des preuves a priori d’égale force établissant les thèses opposées sont contenues dans la raison commune de l’humanité. Les premières ne sont également que des principes de la possibilité de l’expérience et se trouvent dans l’Analytique. Mais comme elles peuvent être facilement prises pour des principes qui s’étendent au-delà des seuls objets de l’expérience, si la Critique n’en a pas soigneusement déterminé d’abord la portée, il en résulte un dogmatisme par rapport au sursensible. Les secondes se rapportent aux objets, non plus, comme les premières, au moyen de notions intellectuelles, mais par des Idées qui ne peuvent jamais être données dans l’expérience. Or, comme les preuves en vue desquelles les principes qui ne se rapportent qu’à des objets de l’expérience ont été conçus, doivent nécessairement se contredire en pareil cas, alors si l’on passe à côté de la critique, qui peut seule déterminer les limites, doit surgir non seulement un scepticisme par rapport à tout ce qui est conçu par les seules Idées de la raison, mais aussi une défiance contre toute connaissance a priori, défiance qui finit par introduire une doctrine de doute métaphysique universelle.