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tinction entre le sensible et l’intellectuel, que celle qu’il veut bien reconnaître , puisqu’il distingue aussi avec intention, dans sa formule, le sensible d’avec le principe de causalité, afin de se mettre ainsi sur la voie dont il a besoin[1]. Mais ce pont ne suffit pas ; car on ne peut construire sur l’autre rive avec aucuns matériaux de la représentation sensible. Notre architecte se sert, à la vérité, de ces matériaux, parce que (comme tout homme) il n’en a pas d’autres ; mais le simple, qu’il croit d’abord avoir trouvé comme partie de la représentation sensible, il le lessive et le purifie de cette souillure au point de se persuader qu’il l’a démontré dans la matière, quand il n’aurait jamais été trouvé dans la représentation sensible par la simple perception. Et cependant cette représentation partielle (le simple) est bien enfin réellement dans la matière, comme objet des sens, suivant l’hypothèse ; et malgré cette démonstration, il reste toujours le petit scrupule de savoir comment on doit assurer la réalité à une

  1. Le principe que toutes choses ont leur raison, ou, en d’autres termes, que tout n’existe que comme conséquence, c’est-à-dire dépend, quant à sa détermination, de quelque autre chose, vaut sans exception de toutes choses comme phénomènes dans l’espace et dans le temps, mais nullement des choses en soi, en vue desquelles cependant M. Eberhard a donné cette universalité à la proposition. Mais l’énoncer aussi généralement comme principe de causalité : Tout ce qui existe a une cause, c’est-à-dire n’existe que comme effet, eut été encore moins favorable à son dessein, parce qu’il se proposait précisément de prouver la réalité de la notion d’un être primitif, qui ne dépend plus d’aucune cause. On se voit donc forcé de se cacher derrière des expressions qui se laissent tourner à volonté. C’est ainsi qu’à la page 259 il se sert du mot principe de manière à faire croire qu’il signifie quelque chose de distinct des sensations, quand cependant il signifie cette fois simplement les sensations partielles, que l’on appelle aussi habituellement, dans un sens logique, des principes de la possibilité d’un tout.