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tout à fait inaccessible, parce que l’intuition sous laquelle seulement il nous est donné ne nous fait pas connaître les propriétés qui lui conviennent en soi, mais seulement les conditions subjectives de notre sensibilité sous lesquelles seules nous pouvons en avoir une représentation intuitive. — D’après la Critique, tout dans le phénomène même est encore phénomène, aussi loin que l’entendement peut en pousser la division, et peut prouver la réalité des parties à la claire perception desquelles les sens n’atteignent plus ; tandis que, suivant M. Eberhard, elles cessent alors d’être des phénomènes, et sont la chose même.

Comme le lecteur ne pourrait peut-être pas croire que M. Eberhard ait proclamé arbitrairement une interprétation vicieuse aussi attaquable de la notion du sensible, que la Critique qu’il voulait réfuter a donnée, ou même qu’il ait dû avoir établi une notion aussi insignifiante et aussi complètement inutile en métaphysique, de la différence des êtres sensibles et des êtres intelligibles, que la simple forme logique du

    composé est le noumène (car il ne se trouve pas dans le sensible), je ne dis point par là que le corps comme phénomène ait pour fondement un agrégat d’autant d’êtres simples, comme êtres purs de raison ; mais je dis que personne absolument ne peut savoir si le sursensible, qui sert de substratum au phénomène est, comme chose en soi, encore composé, ou s’il est simple, et que c’est une représentation tout à fait abusive de la doctrine des objets des sens, commes simples phénomènes, auxquels on doit donner pour base quelque chose de non sensible quand on imagine ou qu’on essaie d’imaginer quelque autre chose qu’on croira pouvoir servir à diviser le substratum sursensible de la matière suivant ses monades, comme je partage la matière même ; car alors la monade (qui n’est que l’Idée d’une condition non conditionnée encore du composé) est placée dans l’espace, où elle cesse d’y être un noumène, et se trouve elle-même composée à son tour.