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Pour comprendre cette illusion, le lecteur doit se rappeler ce que nous avons dit de la déduction d’Eberhard en matière d’espace et de temps, comme aussi de la connaissance sensible en général. Suivant lui, quelque chose n’est connaissance sensible et l’objet du phénomène de cette connaissance qu’autant que la représentation de cette chose renferme des parties qui, pour me servir de son expression, ne sont pas sensibles, c’est-à-dire qui ne sont perçues avec conscience dans l’intuition. Elle cesse tout à coup d’être sensible, et l’objet n’est plus connu comme phénomène, mais comme chose en soi ; en un mot, ce n’est plus qu’un simple noumène dès que l’entendement aperçoit ou découvre les premières raisons (ou fondements, Grunde) du phénomène, qui en doivent être, suivant lui, les parties propres. Il n’y a donc entre une chose comme phénomène et la représentation du noumène qui lui sert de fondement, d’autre différence que celle qui existe entre une troupe d’hommes que j’aperçois dans le lointain, et ces mêmes hommes si j’en suis assez près pour pouvoir les compter ; à part cela cependant qu’il affirme que nons ne pouvons jamais nous approcher assez du tas, ce qui, du reste, n’établit aucune différence dans les choses, mais seulement dans le degré de notre faculté perceptive, qui reste ici toujours la même quant à l’espèce. Si telle est réellement la différence qu’établit à si grands frais la Critique dans son eshétique, entre la connaissance des choses comme phénomènes et la notion de ce qu’elles sont comme choses en soi, cette différence ne serait qu’une simple