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Mais, comme il arrive souvent en fait de ruses, M. Eberhard s’est trouvé pris dans ses propres filets. Il avait d’abord fait tourner la métaphysique sur deux pivots : le principe de contradiction et le principe de la raison suffisante ; il reste fidèle à cette assertion, puisqu’il prétend, à la suite de Leibniz (c’est-à-dire d’après la manière dont il l’interprète), qu’il faut com­pléter le premier par le second dans l’intérêt de la mé­taphysique. Il dit donc (p. 163) : « La vérité univer­selle du principe de la raison suffisante ne peut être démontrée que par celui-ci (le principe de contradic­tion); » ce qu’il entreprend aussitôt et avec courage. Mais alors il ne fait plus tourner toute la métaphysique que sur un seul pivot, quand elle devait tout à l’heure en avoir deux ; car la simple déduction par un seul principe, sans qu’une nouvelle condition d’application survienne le moins du monde, mais au contraire dans toute son universalité, n’est-elle pas un nouveau principe qui complète ce qui manquait au premier !

Mais avant que M. Eberhard établisse cette preuve du principe de la raison suffisante (et par ce moyen la réalité objective de la notion de cause, sans cependant avoir besoin d’autre chose que du principe de contra­diction), il exalte l’attente du lecteur par un certain luxe de là division (p. 161-162), et même par une nouvelle comparaison de sa méthode avec celle des mathéma­ticiens, comparaison qui ne lui réussit pas mieux que la première. Euclide même doit « avoir, parmi ses axiomes, des propositions qui ont encore besoin de preuve, mais qui peuvent être exposées sans preuves. »