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LA CRITIQUE JUGÉE AVANT EXAMEN.


tant plus séduisante qu’il lui est plus facile de choisir quelque chose du langage scientifique d’un côté, du langage populaire de l’autre, et d’être ainsi tout à tous, mais dans le fait rien nulle part. La Critique, au contraire, donne à notre jugement l’unité de mesure servant à distinguer avec certitude le savoir véritable du savoir apparent. Cette certitude tient à ce qu’en métaphysique on fait un plein exercice d’un mode de penser dont l’influence salutaire s’étend ensuite à tout autre usage de la raison, et inspire avant tout le véritable esprit philosophique. Ce n’est pas non plus un service de peu d’importance que celui qu’elle rend à la théologie, puisqu’elle l’affranchit du jugement de la spéculation dogmatique, et la met en parfaite sécurité contre toutes les attaques de ces sortes d’adversaires. En effet, la métaphysique commune, tout en promettant à la théologie un grand appui, n’a pu tenir parole, et, en offrant l’assistance de la dogmatique spéculative, n’a fait que se combattre elle-même comme ennemie. Une extravagance qui ne peut se produire dans un siècle éclairé qu’autant qu’elle trouve un asile dans la métaphysique scolastique, sous la protection de laquelle elle peut oser délirer pour ainsi dire avec raison, est chassée de ce dernier refuge par la philosophie critique. Ajoutons qu’il est important pour un professeur de métaphysique de pouvoir dire une fois avec un assentiment général, que ce qu’il expose est en fait une science, et de rendre ainsi un véritable service à la république.


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