Page:Kant - Prolégomènes à toute métaphysique future, trad. Tissot, 1865.djvu/195

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
195
LA CRITIQUE JUGÉE AVANT EXAMEN.


qui la constituent ; d’où il suivrait qu’elle n’est qu’une vaine apparence. Suivant nous au contraire l’espace et le temps (en liaison avec des notions intellectuelles pures) prescrivent a priori à toute expérience possible sa loi, qui donne en même temps le critérium certain pour y distinguer la vérité de l’apparence[1].

Mon prétendu idéalisme (proprement critique) est donc d’un caractère tout à fait propre, tel, c’est-à-dire qu’il ruine l’idéalisme ordinaire ; tel que par lui toute connaissance a priori, même celle de la géométrie, en reçoit tout d’abord une réalité objective qui, sans la preuve de mon idéalité de l’espace et du temps, ne peut pas être affirmée, même des réalistes les plus zélés. Dans cet état de choses je voudrais donc, pour prévenir tout malentendu, pouvoir appeler d’un autre nom ma notion, mais je ne puis la changer totalement. Qu’il me soit donc permis de l’appeler désormais, comme on l’a déjà fait plus haut, un idéalisme formel, ou mieux encore un idéalisme critique, pour le distinguer de l’idéalisme dogmatique de Berkeley, et de l’idéalisme sceptique de Descartes.

Je ne trouve rien de plus à remarquer dans la critique de cet ouvrage. L’auteur juge en gros d’un bout

  1. L’Idéalisme proprement dit a toujours un but mystique, et ne saurait en avoir un autre ; le mien n’a pour but que de faire comprendre la possibilité de notre connaissance a priori touchant des objets de l’expérience ; ce qui est un problème qui n’a pas encore été résolu jusqu’ici, pas même proposé. Par là tombe donc tout l’idéalisme hyperphysique, qui conclut toujours (comme on peut le voir déjà par Platon) de nos connaissances a priori (même des connaissances géométriques) à une autre intuition (l’intellectuelle), comme celle des sens, parce qu’on ne peut absolument pas concevoir que des sens doivent percevoir aussi a priori.