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PRÉFACE.


obscurité, qui tient en partie à l’étendue du plan, d’après lequel on ne peut pas bien voir les principaux points qui sont la matière du travail, la plainte est légitime, et c’est pour y remédier que je donne ces prolégomènes.

Cet ouvrage, la Critique, où se trouve exposée dans toute son étendue et sa circonscription la faculté rationnelle, reste toujours le fondement auquel se rapportent ces prolégomènes comme de simples préliminaires. La Critique doit en effet, comme science, subsister systématiquement, pleinement, et jusque dans ses moindres détails, avant qu’il puisse être question d’établir une métaphysique, ou même de concevoir l’espérance éloignée d’en avoir une.

On est habitué depuis longtemps à voir faire du neuf avec du vieux en matière de connaissance ; on emprunte au passé en les démembrant ces connaissances, on leur taille un vêtement systématique d’une forme arbitraire dont on les affuble, mais en y mettant un titre nouveau ; ce qui a fait présumer à la plupart des lecteurs que la Critique elle-même n’était pas autre chose. Mais ces prolégomènes feront voir que c’est une science toute nouvelle, dont personne n’avait même eu la pensée jusqu’ici, et à laquelle rien de tout le passé n’a pu servir, à l’exception du signal donné par le doute de Hume. Or ce signal même ne faisait rien présager de la possibilité d’une telle science formelle. Il invitait à tirer le vaisseau sur le rivage (le scepticisme), où il pouvait demeurer et pourrir, quand, au contraire, je l’ai pourvu d’un pilote versé dans les prin-