construire par la pensée même tout ce que je conçois possible par une notion : j’ajoute à deux unités deux autres unités successivement, et je forme ainsi le nombre quatre ; ou je tire par la pensée d’un point à un autre toutes sortes de lignes, et je n’en puis tirer qu’une seule dont toutes les parties (égales ou inégales) se ressemblent. Mais je ne puis tirer de la notion d’une chose, par toute ma faculté pensante, la notion de quelque autre chose dont l’existence est nécessairement liée à la première ; l’expérience doit être consultée, et quoique mon entendement me donne a priori (toujours par rapport à l’expérience possible seulement) la notion d’une pareille liaison (de la causalité), je ne puis cependant pas l’exposer en intuition a priori, comme les notions mathématiques, ni par conséquent en faire voir la possibilité a priori ; mais cette notion, avec les principes de son application, a toujours besoin, pour valoir a priori — comme il le faut bien en métaphysique —, d’une justification et d’une déduction de sa possibilité ; ce n’est qu’à cette condition qu’on en sait la portée légitime, et si elle ne peut être employée que dans l’expérience ou bien encore en dehors d’elle. On ne peut donc en métaphysique, comme science spéculative de la raison pure, en appeler jamais au sens commun, mais bien, s’il le faut, l’abandonner et renoncer à toute connaissance spéculative pure, qui doit toujours être un savoir, par conséquent à la métaphysique même et à son enseignement (en certaines occasions) ; une foi raisonnable, seule possible à nous, sera estimée suffisante (peut-
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