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Si quelqu’un se croyait offensé par là, il peut facilement détruire cette inculpation ; il n’a qu’à signaler une seule proposition synthétique appartenant à la métaphysique, qu’il ait démontrée dogmatiquement a priori ; s’il le fait, je lui accorderai qu’il a réellement fait avancer la science, dût cette proposition être d’ailleurs suffisamment établie par l’expérience commune. Aucune demande ne peut être plus équitable et plus modérée, et dans le cas (inévitablement certain) où elle serait sans réponse, rien de plus juste que cette assertion : la métaphysique, comme science, est nulle jusqu’ici.

Je n’ai que deux choses à repousser pour le cas où mon appel serait écouté : le jeu de la vraisemblance et de la conjecture, qui conviennent aussi peu à la métaphysique qu’à la géométrie ; la décision par la baguette divinatoire du sens commun, qui ne tourne pas pour chacun, mais qui s’accommode aux qualités personnelles.

En ce qui regarde le jeu de la vraisemblance, rien ne peut être plus absurde que de vouloir fonder, dans une métaphysique, dans une philosophie par raison pure, ses jugements sur une vraisemblance et une présomption. Tout ce qui doit être connu a priori est par là même donné pour apodictiquement certain, et doit, en conséquence, être prouvé de la sorte ; autrement on pourrait aussi bien fonder une géométrie ou une arithmétique sur des conjectures ; car en ce qui regarde le calculus probabilium de cette dernière science, il ne contient pas des jugements vraisem-