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connaître la propriété qui revient au monde même, sans toutefois prétendre déterminer sa cause en elle-même ; d’autre part, de placer dans le rapport de la cause suprême au monde le principe de cette propriété (de la forme rationnelle dans le monde), sans trouver que le monde y suffise par lui-même[1].

Ainsi disparaissent les difficultés qui semblaient s’opposer au théisme, par le fait que l’on associe au principe de Hume, de ne pas transporter l’usage de la raison hors du champ de toute expérience possible, un autre principe entièrement omis par ce philosophe, celui de ne pas considérer le champ de l’expérience possible, comme quelque chose qui se limite soi-même aux yeux de notre raison. La Critique de la raison indique ici la voie moyenne entre le dogmatisme que Hume attaquait, et le scepticisme qu’il voulait introduire ; moyen terme qui diffère d’autres justes milieux que l’on conseille de déterminer pour ainsi dire mécaniquement (un peu de l’un, un peu de l’autre), et par lesquels nul ne connaît le mieux, mais qui peuvent servir à le déterminer suffisamment d’après des principes.

  1. Je dirai : la causalité de la cause suprême est par rapport au monde ce que la raison humaine est par rapport à son œuvre. En quoi la nature de la chose suprême même me reste inconnue ; je ne compare que son action à moi connue (l’ordre du monde) et sa régularité avec les effets à moi connus de la raison humaine, et j’appelle, en conséquence, la première une raison, sans pour cela entendre par là ce que j’entends dans l’homme par cette expression, ou sans lui attribuer comme propriété quelque chose qui me soit connu d’ailleurs.