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doit donc aussi faire partie des phénomènes, et par conséquent être, tout comme son effet, un événement qui doit avoir sa cause, etc., et par conséquent la nécessité naturelle être la condition d’après laquelle les causes efficientes sont déterminées. Si au contraire la liberté doit être une propriété de certaines causes des phénomènes, elle doit être une faculté relative à ces derniers, comme événements, de les commencer d’elle-même (sponte), c’est-à-dire sans que la causalité de la cause même doive être commencée, et par conséquent sans qu’elle ait besoin d’aucun autre principe qui détermine son commencement. Mais alors la cause, quant à sa causalité, ne devrait pas se rencontrer parmi les déterminations de temps de son état, c’est-à-dire qu’elle ne devrait pas être un phénomène, ou, en d’autres termes, qu’elle devrait être prise comme une chose en soi, et les effets seulement comme des phénomènes[1].

  1. L’Idée de liberté se rencontre aisément dans le rapport de l’intelligible comme cause, au phénomène comme effet. Nous ne pouvons donc pas attribuer une liberté à la matière par rapport à l’action incessante dont elle remplit le lieu qu’elle occupe, quoique cette action procède d’un principe interne. Nous ne pouvons pas davantage trouver une notion adéquate de liberté pour des êtres purement intelligents, pour Dieu, par exemple, en tant que leur action est immanente. Car son action, quoique indépendante de causes extérieures déterminantes, est cependant déterminée dans son éternelle raison, par conséquent dans sa nature divine. Seulement si quelque chose doit commencer par une action, si par conséquent l’effet doit se trouver dans une succession, et, par suite, dans le monde sensible (par exemple le commencement du monde), alors se présente la question de savoir si la causalité même de la cause doit aussi commencer, ou si la cause peut commencer son effet, sans que sa causalité même commence. Dans le premier cas la notion de cette causalité est une notion de nécessité naturelle ; dans le second, c’est une notion de liberté. D’où le lecteur comprendra que quand je définissais une liberté comme faculté de commencer un événement, je considérais précisément la notion qui est le problème de la métaphysique.