Page:Kant - Prolégomènes à toute métaphysique future, trad. Tissot, 1865.djvu/141

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nus pour universels, et qui par là témoignent dans l’usage de ces principes de l’apparence dialectique de la raison pure, apparence qui autrement eût pu rester éternellement cachée.

Il y a donc ici une expérience décisive, qui doit nécessairement nous révéler un vice secret dans les suppositions de la raison[1]. Deux propositions qui se contredisent l’une l’autre ne peuvent être fausses toutes deux, excepté le cas où la notion même qui leur sert de fondement commun est elle-même contradictoire ; par exemple les deux propositions : Un cercle quadrangulaire est rond, et Un cercle quadrangulaire n’est pas rond, sont fausses toutes les deux. Car la première est fausse puisqu’il n’est pas vrai qu’un cercle carré soit rond, attendu qu’il est carré ; mais il est faux également que ce qui est un cercle ne soit pas rond, ou qu’il ait des angles. Le caractère logique de l’impossibilité d’une notion consiste précisément en ce que sous la supposition de cette notion deux propositions contradictoires seraient fausses en même temps, et qu’ainsi rien d’intermédiaire entre elles ne pouvant être conçu, rien absolument n’est pensé par cette notion.

  1. Je désirerais donc que le lecteur judicieux s’occupât surtout de cette antinomie, parce que la nature même semble l’avoir établie pour corriger la raison opiniâtrée dans ses prétentions et la forcer à l’examen d’elle-même. Je me fais fort d’établir chaque preuve que j’ai donnée à l’appui de la thèse et de l’antithèse, et de prouver ainsi la certitude de l’inévitable antinomie de la raison. Si donc le lecteur est amené par ce fait singulier à revenir sur ses pas pour examiner la supposition fondamentale dans la circonstance, il se trouvera forcé de rechercher avec moi le premier fondement de toute la connaissance de la raison pure.