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§ XLVIII.

Si donc nous voulons conclure de la notion de l’âme comme substance à sa permanence, ce raisonnement ne peut lui convenir qu’à l’égard de l’expérience possible, et non en tant qu’elle est une chose en soi et en dehors de toute expérience possible. Or la condition subjective de toute notre expérience possible est la vie : la permanence de l’âme ne peut donc être conclue que pendant la vie, puisque la mort de l’homme est la fin de toute expérience ; ce qui concerne l’âme comme objet d’elle-même, le contraire n’étant pas prouvé, est précisément ce qui est en question.

La permanence de l’âme ne peut être prouvée que dans la vie de l’homme (permanence dont la preuve nous sera facilement accordée), mais elle ne saurait être établie pour le temps qui doit suivre la mort (ce qui est précisément l’objet de notre recherche), et cela par la raison générale que la notion de substance, en tant qu’elle doit être considérée comme nécessairement liée à la notion de permanence, ne le peut être que suivant un principe de l’expérience possible, et par conséquent dans l’intérêt de cette expérience seulement[1].

  1. C’est une chose remarquable, que les métaphysiciens aient toujours passé si légèrement sur le principe de la permanence des substances, sans jamais en rechercher la preuve ; c’est sans doute parce que aussitôt qu’ils commençaient par la notion de substance, ils se trouvaient destitués de toute preuve. Le sens commun, qui s’était bien aperçu que sans cette supposition il n’est pas possible de lier des perceptions dans une expérience, répara ce défaut par un postulat ; car il ne pouvait ja-