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pures in concreto, mais seulement le schème à leur usage, et que l’objet qui lui est conforme n’est trouvé que dans l’expérience (comme produits de l’entendement tirés des matériaux de la sensibilité). Dans la seconde recherche de la Critique (p. 283) on fait voir que, malgré l’indépendance de nos notions intellectuelles pures et de nos principes à l’égard de l’expérience, et même de la plus grande circonscription apparente de leur usage, rien cependant ne peut être conçu par elles en dehors du champ de l’expérience, parce qu’elles ne peuvent que déterminer simplement la forme logique du jugement par rapport aux intuitions données ; et comme aucune intuition absolument ne dépasse le champ de la sensibilité, ces notions pures sont absolument sans signification, puisqu’elles ne peuvent être exposées in concreto d’aucune manière. Tous ces noumènes, avec leur ensemble, le monde intelligible[1], ne sont donc que des expressions d’un problème dont l’objet est bien possible en soi, mais dont la solution est entièrement impossible d’après la nature de notre entendement, puisque cette faculté n’est pas celle de l’intuition, mais simplement celle de la liaison en une expérience des intuitions données, et

  1. Et non (comme on s’exprime ordinairement) monde intellectuel. Car sont intellectuelles les connaissances fournies par l’entendement, et qui se rapportent aussi à notre monde sensible, tandis que sont intelligibles des objets qui ne peuvent être représentés que par l’entendement et qui ne sont l’objet d’aucune de nos intuitions sensibles. Mais cependant comme à tout objet quelconque doit correspondre une intuition possible, il faudrait alors imaginer un entendement qui perçût immédiatement des choses : espèce d’entendement dont nous n’avons pas la moindre notion. Nous n’en avons pas davantage des êtres intelligibles qui en seraient l’objet.