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POSSIBILITÉ DE LA PHYSIQUE PURE.


séquent une valeur indépendante de l’expérience et a priori, comment et par quelles raisons veulent-ils donc renfermer les dogmatiques ainsi qu’eux-mêmes dans ces limites, eux qui font usage de ces notions et de ces principes en dehors de toute expérience possible, si ce n’est par cela même qu’ils les connaissent indépendamment de l’expérience ? Et même cet adepte de la saine raison n’est pas bien sûr, malgré toute sa prétendue sagesse, acquise à si bon marché, de ne point passer à son insu du champ de l’expérience, dans celui des chimères. Aussi y est-il d’ordinaire profondément engagé, quoique par un langage populaire il donne une certaine couleur à ses vaines assertions, puisque tout n’est pour lui que simple vraisemblance, conjectures rationnelles ou analogies.


§ XXXIII.

Déjà dès les temps les plus reculés de la philosophie des scrutateurs de la raison pure avaient conçu en dehors des êtres sensibles ou des phénomènes (phænomena) qui constituent le monde sensible, des êtres intelligibles particuliers (noumena) qui doivent composer un monde intelligible ; et comme ils tenaient le phénomène et l’apparence (Scheim) pour identiques (ce qui était bien pardonnable à un âge encore grossier), ils n’accordèrent de réalité qu’aux êtres intelligibles.

Dans le fait, si nous considérons les objets des sens, ce qui est permis, comme de simples phénomènes, nous reconnaissons par là toutefois qu’une chose en soi leur sert de fondement, quoique nous